[Fr] Vinyle et mp3 : les métiers du disque à l’heure du numérique

Don't Kill The Vinyl

« Le disque vinyle n’est pas mort ! Fuck les mp3 et leurs son de chiottes ! »

Dans le cadre des expositions et évènements proposés par l’association Technopol autour du disque vinyle intitulé « Don’t Kill The Vinyl », se tenait mardi 15 avril une conférence sur les métiers du disque à l’heure du numérique (Vinyle vs Digital).

Malgré la baisse continuelle des ventes de disques vinyles aujourd’hui, il reste tout de même le support préféré des amateurs de musique et des dj’s. D’une part pour son caractère sonore encore supérieur à ceux du cd et du mp3, et d’autre part pour sa qualité « d’objet » agréable à manipuler et vecteur d’émotions visuelles (une belle pochette 12″ aura toujours plus de gueule qu’une petite cover cd, voir un fichier .jpg sur l’écran de son ordinateur).

Malheureusement il coûte cher, et reste rare à trouver. Il est aujourd’hui plus évident de mettre la main sur un morceau que l’on va payer 1 euro 99 sur Beatport, alors que le disque vinyle n’est peut-être même pas distribué en France et / ou qu’il coûte 10 euros voir plus. Mais le format numérique (wav / aiff / mp3…) est encore loin de satisfaire pleinement tout le monde. En plus de la qualité sonore d’un mp3 décriée par certains comme loin d’être optimum, il est vrai que réduire la musique à de simples fichiers numériques perdus dans un disque dur qui ressemble plus à un cimetière d’octets qu’à une discothèque ne met pas vraiment en valeur la notion de « passion » de l’amateur transi.

Pour comprendre un peu mieux le débat entre supports numériques et vinyle, ainsi que leur place respective et leur évolution dans l’économie musicale (exemple : « un disque vendu en vinyle peut-il être aussi rentable que sous une forme mp3 vendue sur une plate-forme digitale ? »), cinq personnalités du monde de la musique se sont réunies pour présenter leur vision de ces enjeux :

Le journaliste Jean-Yves Leloup (modérateur), le disquaire Eric Labbé (My Electro Kitchen), Sébastien Du Petit Thouars du Label Dialect Recordings, Nicolas Vu-Hoang (alias Dj Nick V), et Patrice Bardot (rédacteur en chef de Tsugi magazine).

Don't Kill The Vinyl

Point de bagarres ici, de tentatives de coupure de micro, de verres de Perrier envoyés à la figure ou de gestes déplacés entre partisans du vinyle et protagonistes des supports numériques, non, car il est initialement difficile de choisir un « camp » plutôt que l’autre, chaque support ayant ses avantages et ses inconvénients.

D’abord, contre toute attente, à l’heure du (presque) tout numérique, on observe une vaillance du support vinyle, en progression de 15% l’an dernier aux U.S.A. La scène Electro / Rock / Indie lui donne une nouvelle vigueur notamment grâce à des groupes comme les Arctic Monkeys qui relancent les presses à 45 tours.

Pour Eric Labbé, le vinyle reste une marque de respect pour le clubber qui veut entendre le meilleur son. « Moi quand je sors en club, que je débourse 13 euros à l’entrée et paye mes consos 10 euros, j’ai le droit d’exiger le top ». Et comme le rappel Jean-Yves Leloup : « la qualité du numérique peine encore à égaler le vinyle. Il y a une perte de dynamique et de puissance et ça se ressent bien par exemple quand un dj qui va mixer avec des mp3 enchaîne après un dj qui a joué sur du vinyle, c’est flagrant ».

Mais comme indique le dj Nick V qui aujourd’hui a switché ses vinyles (qu’il continue d’acheter mais en les encodant dans son ordinateur) contre un logiciel de mix numérique (Mixvibes pour ne pas le citer) : « les jeunes qui n’ont jamais connu le vinyle ne font pas la différence. Et plus on avance, plus la technologie permet de se rapprocher d’un son de qualité. Avec Mixvibes par exemple, les aigus et les médiums sont de meilleur qualité qu’un vinyle, même si on a pas encore trouvé la solution pour restaurer cette chaleur dans les graves, et qui fait certainement le plus défaut aux fichiers audio numériques ».

Du point de vue du marché, peut-on encore vouloir vendre du vinyle aujourd’hui sans se faire traiter d’inconscient par son entourage ? La question ne se pose plus pour Eric Labbé, qui avec son magasin de disques My Electro Kitchen est arrivé à l’équilibre financier dès la première année d’activité. Il faut dire qu’il y a aujourd’hui peu de concurrence dans la capitale (notamment depuis les fermetures de Daphonics et Katapult) et qu’il se sent plutôt en complémentarité avec les offres des autres magasins de disques indépendants (dont Smallville), sans occulter toutefois une charge de travail importante. Enfin il est juste bon de noter que les jeunes (qu’on a généralement tendance à taxer de pilleurs nihilistes sur la toile) dans la tranche 16-25 ans, représentent près d’un tiers des clients de My Electro Kitchen. Gare aux idées reçues donc.

Technopole

Et qu’en est-il d’un disque vendu sur une plate-forme mp3 ?

Selon Sébastien Du Petit Thouars, l’un des fondateurs du label Dialect records, le volume des ventes de mp3 est loin de compenser celui des ventes vinyles : « Si les ventes d’un morceau mp3 et d’un vinyle sont assez similaires en volume, elles ne le sont évidemment pas en terme de valeur ». Surtout que l’on peut acheter seulement un ou deux morceaux d’un maxi ou album. Le prix revient à 3 / 4 euros et n’est pas comparable avec l’achat d’un disque en magasin. Autre détail qui a son importance, le choix de la plate-forme marchande : « On va vendre plus cher chez Beatport, poursuit Sébastien, mais c’est plus intéressant d’être sur I-Tunes car on va toucher un public plus large ».

Hier un tirage moyen de vinyle était de 1000 exemplaires. On est passé aujourd’hui à 500 et peut-être que la norme de demain sera de 300 exemplaires. Avec ce nombre, comment trouver un équilibre économique ? Faire des illustrations sonores pour des marques, vendre des licences, organiser des soirées, être éditeur… Mais ça n’est pas toujours suffisant. Car un disque vinyle coûte en moyenne 80 centimes d’euros à produire et pour être rentable il doit se vendre au moins entre 800 et 1000 exemplaires. Aujourd’hui un disque sert plus de carte de visite (être signé par un label qui sort du vinyle reste le meilleur gage de qualité et de sérieux envers le public) et de promotion pour pouvoir ensuite aller se produire dans les clubs en tant que dj ou en live. Ces derniers restant la meilleure source de revenu pour un artiste de musique électronique aujourd’hui.

On voit que le vinyle ralenti son déclin dans quelques domaines, mais ses ventes n’arrêtent pour autant pas de chuter, érodées à cause du remplacement croissant par les ventes digitales. Est-ce pour autant comme le disait Patrice Bardot : « le combat d’Astérix dans son village Gaulois » ? Peut-être. Mais comme le soulignait Thomas Melchior dans une récente interview : « le vinyle est un truc de spécialiste, et il y aura toujours des spécialistes partout », même si la notion de qualité se perd petit à petit avec l’arrivée des nouvelles générations, I-pods vissés dans les oreilles, et habituées à écouter de la musique diffusée par les haut-parleurs de leurs téléphones portables.

Et vous qu’en pensez-vous ?

Doit-on à tout prix sauver l’esprit vinyle ou se convertir au prêche du tout numérique ?

La technologie du numérique ne permet-elle pas justement aux dj’s d’être plus créatifs ? (re-travaille des éléments, boucles, effets…)

Que vous apporte un vinyle que vous ne trouvez pas sur les autres supports ?

N’y a-t-il pas aussi un petit côté vintage = frime ?

Et dans 5, 10 ans, comment voyez-vous évoluer la façon de « consommer » / écouter / jouer de la musique ?

9 thoughts on “[Fr] Vinyle et mp3 : les métiers du disque à l’heure du numérique

  1. il est intéressant de noter que si le dj abandonne le vinyle,le particulier éprouve un regain d’interet pour ce format.

  2. Le vinyle restera très certainement le dernier support matériel en terme de musique, le CD est appelé à disparaitre dans les prochaines années ça ne fait aucun doute, restera le vinyle mais à combien d’exemplaires par tirage ?

  3. Je reçois des tonnes de promos de labels connus en mp3, et ce bien avant leurs sorties. Je ne joue que les TRES bon trucs via cd, mais j’en achète plein en vinyle à leur sortie, car même parmi ce que j’aime moins, il y a des morceaux qui vont sonner mortels sur des mixs pointus. Mon comportement vis-à-vis du digital est bizarre, j’ai beau en avoir plein GRATOS, je joue et apprécie toujours un vinyle autrement. En aucun cas je ne peux aujourd’hui me satisfaire du digital, et honnêtement je ne comprends pas pourquoi je réagis comme ça, je ne peux l’expliquer !!!!

  4. C’est marrant comme ce débat ne cesse d’être remis sur le tapis encore et encore et encore… et commence à nous ennuyer sérieusement car il est vrai que cette problématique n’intéresse au final qu’une poignée d’addicts au support vinyl, des ultra spécialistes d’ultra niches “commerciales”. Tout ça sent le sapin.

    Certes le vinyl est souvent un bel objet emballé dans une jolie pochette et certains sont vraiment de sacrés pièces de collection. Mais l’histoire avance et avec elle les technologies et à une vitesse vertigineuse. Les arguments d’un son chaud, d’une belle dynamique, etc… ne tiennent pas une seconde face aux conditions très souvent déplorables d’écoute dans les clubs et autres “parties” où le sound system est bien souvent le maillon faible de la soirée. Qu’on s’excite sur les qualités de reproduction sur vinyl à la maison avec un bon ampli et des bonnes enceintes, soit… mais combien de fois repartirons-nous d’un club ou d’une soirée les oreilles en miettes car le son est mal ou pas du tout réglé et que le DJ de service jouera pendant deux ou trois heures avec les voyants de la table bloqués dans le rouge.

    La grande majorité des gens que vous rencontrerez sur les dancefloors ne sont pas DJs (la plupart des DJs ne dansent pas) et se foutent un peu de savoir quelle technique utilise le type qui a un casque sur la tête, quelque part perdu sur une scène ou coincé dans une cabine grande comme un bac de douche.
    Par contre, la grande majorité des gens sera sensible aux vibes envoyées par le DJ au travers de sa sélection, son goût du mixe et du risque et son savoir-faire pour lier la sauce. Que la sauce soit analogique ou numérique, l’important est d’embarquer les gens pendant un moment et de leur faire tricoter des gambettes… et qui donc oserait dire aux types de Kraftwerk de remiser leur laptops et de monter sur scène avec de vieux trucs lourdissimes qui font un drôle de bruit quand on appuie sur ON?

    Bises.

  5. certes, tu marques un point Tampopo. beaucoup de gens ne font guere la difference. moi je pense que le vinyle restera indispensable pour les collectionneurs et les audiophiles amoureux d’un beau son et d’un bel objet qu’est le disque vinyle. je trouve d’ailleurs que toute cela a beaucoup de points commun avec le declin de la photo argentique face a la supprematie du numérique. tant qu’il y a des passionnés, il y a de l’espoir. J’ai ouvert une boutique en ligne de vinyles d’occasion depuis peu, et meme si le pari est risqué, j’y crois enormement.

  6. D’accord avec toi David. Un disque vinyl est un super bel objet et certaines fois de vraies oeuvres d’art (picture discs, découpes, pochettes travaillées, etc.). J’ai quelques pièces dont je suis fier et je continue à mettre parfois la main sur des

    trucs assez terribles et invraisemblable. J’ai été élevé avec du vinyle dans ma chambre et un tourne-disques pour commencer donc on ne se refait pas… mais les nouvelles générations regardent déjà nos galettes comme des pièces de musée et ne savent pas qu’avant il y avait une face A et une face B…
    Bon en même temps, on s’en fout un peu du déclin du vinyl, c’est la musique qui compte.

    Mais bravo pour ton initiative de créer une boutique en ligne de vinyles d’occasion. Tu rejoins donc la guilde des antiquaires :)

    Et l’url de ta boutique c’est????

  7. Le vinyl, ok ça va mourir un jour c’est sur.
    Je suis a fond pour le vinyl mais faut se rendre a l’evidence, on est dans l’ere numérique.
    Sauf que ere numérique ne veut pas dire baisse de qualité.
    Alors les MP3 c’est bien, ça prend pas de place on peut en mettre des centaines dans un ipod mais pensez a vos oreilles.
    Le MP3 est une format destructeur, pleins de fréquences sont enlevés, meme avec du 320kbps.
    Comme le dit l’auteur de cet article, on regresse technologiquement avec le MP3. (Deja avec le CD au profil du SACD mais ça c’est encore autre chose)

    http://www.lemonde.fr/technologies/article/2008/08/29/le-mp3-mutile-le-son-et-l-audition_1088364_651865.html