[Fr] La révolution sera tactile (2/3)

attigo

Deuxième partie de La révolution sera tactile, avec au menu un concept qui se matérialise et se rapproche de nous doucement mais surement : la platine digitale et tactile. Mais avant d’en arriver là, petit cours de rattrapage sur l’évolution des platines “dj” au fil des âges depuis 30 ans déjà.

Elle reste encore aujourd’hui la reine (…) dans tous les clubs du monde.

La platine vinyle

Au commencement fût la platine vinyle de référence chez les djs, la Technics SL 1200 MKII sortie en 1978. Grâce à son pitch-bend (qui  permet de moduler la vitesse de plus ou moins 8 %) il devenait possible de mixer deux disques de tempos à peu près similaires, en les calant à la même vitesse. Apparue en pleine vague disco (style marqué à 4 temps, idéal pour superposer les chansons et créer des enchainements “invisibles”, sans pauses), la Technics a survécue à toutes les époques de modernisme digital acharné (cd et mp3 entre autres), et reste encore aujourd’hui la reine des tourne-disques (ouh le vilain terme !) dans tous les clubs du monde (malgré son remplacement progressif par des platines cds).

technics MK2

Tous les djs vous le diront, c’est tellement plus agréable de mixer avec des vinyles que sur cds.

La platine CD

La platine cd pour dj quant à elle a mis beaucoup plus temps à convaincre. En effet les constructeurs ont d’abord dû travailler leurs produits plusieurs années avant de vraiment mettre au point des objets stables, toujours en tentant de se rapprocher au mieux de l’esprit “platine vinyle”. Car tous les djs vous le diront, c’est tellement plus agréable de mixer avec des vinyles que sur cds. Le confort d’utilisation se fait surtout au niveau de la manipulation des disques (en l’occurrence sur une platine-cd, l’interface entre la galette et la main s’appelle le jog). Car pour caler un disque au même tempo qu’un autre, il faut le lancer sur le premier temps (premier beat) au même instant que le disque principal en train de tourner, pour ensuite trouver le tempo exact grâce au fameux pitch-bend. Sur un platine vinyle, si le morceau va trop lentement, par rapport au disque qui tourne, hop un petit coup d’accélération avec la main sur le bord du plateau ou sur le macaron (chacun son style) et on augmente la vitesse avec le pitch, et ainsi de suite jusqu’à temps de trouver le bon tempo. Sur une platine-cd, l’histoire est un peu différente, car on ne peut pas physiquement toucher le disque. On utilise alors le jog pour accélérer rapidement ou ralentir rapidement, toujours en cherchant le tempo avec son pitch. Il n’est alors pas question de scratchs, même si de nombreuses émulations ont fait leur apparition, pas toujours des plus réalistes.

cdj pioneer

La platine-cd a quand même des avantages sur la platine vinyle. Elle permet de synchroniser un tempo (presque) automatiquement (grâce aux bpm – battements par minute – calculés automatiquement), de varier la vitesse d’un morceau sans en changer le ton (tomber dans les graves si l’on ralenti, ou dans les aigu si on accélère), d’appliquer des effets type filtres, echo, reverb… et de créer des loops à la volée.

Enfin, on peut jouer de la musique dématérialisée (qui ne tient sur aucun support physique comme le mp3). Soit en gravant des morceaux mp3 sur cd et de les lire sur une platine-cd compatible, soit en insérant directement une clé USB dans la platine, afin d’y lire toute sa collection.

Une alliance  entre la puissance de l’informatique et la souplesse de l’analogique…

L’arrivée du laptop

La dernière révolution du monde du djing venait directement de l’informatique. Le premier à avoir lancer le concept était la firme Native Instruments avec son Final Scratch au début des années 2000. Il devenait alors possible (une fois les nombreux bugs fixés) de mixer avec deux platines vinyles classiques et deux vinyles dit “encodés” les morceaux stockés sur son ordinateur, par le biais d’un logiciel qui reproduisait grosso-modo l’interface d’une platine vinyle, avec en plus la visualisation des formes d’ondes des morceaux en temps réel.

serato

Depuis, grâce au nomadisme laptop de plus en plus adopté par les djs, de nombreux clones sont venus fleurir le marché, et sont aujourd’hui utilisés par des artistes comme  Richie Hawtin, l’un des premiers à avoir cru à cette technologie dès 2001 (cf : son mix DE9 | Closer to the edit). Ils se nomment Traktor, Serato Scratch Live, Mixvibes, etc…

closer to the edit richie hawtin

Cette dernière étape n’est pas vraiment une avancée technologique, dans le sens où on a combiné des outils modernes (ordinateurs, logiciels) avec des instruments du passé (vinyles et platines vinyles). Une alliance  entre la puissance de l’informatique et la souplesse de l’analogique, en quelque sorte. Malgré tout, cela reste un compromis qui ne satisfait pas à 100 % ses utilisateurs.

Qu’en sera-t-il lorsqu’une équipe de développeurs aguerris se mettra à explorer à fond les possibilités de la bécane sur ce type de programme ?

La platine digitale et tactile

Mais aujourd’hui (ou plutôt demain), les choses vont peut-être changer. Nous avons vu dans la première partie de la révolution sera tactile la table de mixage “multi-fonctions” tactile (pardon pour ce terme très télé-achat). Il était donc logique de présenter une déclinaison des platines disques en mode digital et aussi tactile.

Il existe pour le moment seulement deux objets (distincts) dans l’univers des platines tactiles. D’un côté l’Attigo, prototype développé par un étudiant écossais du nom de Scott Hobbs, de l’autre et d’une philosophie plus ludique, mais peut-être pas si anecdotique que ça, le hack Protein[DS] (appelé aussi DS Scratch) qui permet de manipuler de l’audio sur sa Nintendo DS.

Commençons par ce dernier. Le projet à été lancé début 2008, avec une mise à jour au mois de mai. Il s’agit d’un petit programme à télécharger sur le site de l’auteur, puis à installer sur sa console portable. Il devient alors possible de manipuler des fichiers audio (.wav) au niveau de la vitesse, du volume, créer des loops à la volée (une sorte de Beat repeat) et de soumettre un effet de dégradation type érosion / crush. Le tout applicable directement en manipulant sur l’écran les formes d’ondes qui défilent, avec ses doigts ou le petit stylet de la DS. Démonstration :

Première constatation, woaw, ça à l’air de marcher du tonnerre ! Surtout sur le scratch, il n’y a aucune latence, et le son “originel” est quasiment le même qu’une manipulation sur vinyle. Ensuite, passé l’effet de surprise, on se dit qu’il ne doit quand même pas être aisé d’appliquer les effets (et ils ne sont pas nombreux) de manière vraiment propre, pour une utilisation autre que celle de la démo devant ses copains à la maison. Aussi, si l’on souhaite faire un mix classique, il ne doit pas être très simple de mixer deux morceaux (avec deux DS) sur un même tempo. Mais ce n’est que le début, et il ne faut pas oublier que le programme a été conçu par un bricoleur solitaire, certainement le soir tard chez lui, une fois rentré de son travail. Qu’en serait-il, ou plutôt, qu’en sera-t-il lorsqu’une équipe de développeurs aguerris se mettra à explorer à fond les possibilités de la bécane sur ce type de programme ? On peut parier sans trop se mouiller, que le résultat pourra s’approcher de la souplesse d’utilisation (malgré un écran de petite taille) d’un Traktor et autres,  voir au-delà. Affaire à suivre donc.

Ce concept (…) provoquera très certainement une petite secousse lorsqu’un produit concret sortira sur le marché.

L’Attigo

Et enfin, le projet qui nous excite le plus aujourd’hui : le développement de la platine tactile Attigo. Là encore, cette création est l’œuvre d’un seul homme, un étudiant anglais en classe d’ “Innovative Product Design”, fasciné par l’invention du Thérémin, un instrument dont on fait varier le son selon la position de sa main dans l’espace (utilisé dans les films des années 50 et 60 pour traduire des sons d’ovnis ou de fantômes). Démonstration du prototype Attigo :

Pour info, le soft qui est à l’origine du fonctionnement de l’Attigo a été principalement conçu à l’aide du logiciel de l’IRCAM Cycling 74 MAX/MSP

Scott est encore à la recherche de financiers et de designers pour pouvoir proposer son prototype à une entreprise dans le but d’une commercialisation future. Ce n’est peut-être pas pour l’année prochaine, (car il faut améliorer les composants, corriger les bugs, retoucher le design, etc…) mais ce concept peut donner des idées à d’autres constructeurs et provoquera très certainement une petite secousse lorsqu’un produit  concret sortira sur le marché.

…liste non exhaustive :-).

C’est déjà demain

Pour terminer, on peut poursuivre une série de pistes de réflexions sur les possibilités qui s’ouvrent avec la maîtrise de plus en plus puissante et précise de ces technologies tactiles.

Par exemple, peut-on s’attendre à voir apparaitre une platine tactile à surface plane dont la forme d’onde  d’un morceau joué déroulera non pas de manière horizontale ou verticale (comme l’Attigo), mais en cercle dans le sens de lecture d’un vinyle ? Avec aussi une entrée USB 3 (ou 4 soyons fous), un pitch bend classique (mais tactile – pas facile à mettre au point), un contrôleur BPM, un Time Display, un prévisualiseur de formes d’ondes (pour repérer le break du morceau, ou sa reprise rythmique par exemple), ou encore interagir avec l’équalisation, appliquer des effets, faire du collage de loops en live, etc… (liste non exhaustive :-).

A ce stade on a aujourd’hui la possiblité de proposer beaucoup d’idées, qui ne seront pas uniquement destinées à alimenter un scénarion de film de science-fiction…

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