[Fr] Interview : Dondolo (tiny sticks / la bulle sonore)

A 32 ans, Romain Guerret alias Dondolo sort Dondolïsme…, un premier album electro-pop varié et décalé. Petit débrief avec LA prochaine star (tendance Katerine, Jacno, Gotainer) autour de sa musique, des spams sur Myspace, du futurisme de Kraftwerk, et de la série Plus belle la vie.

D’abord c’est quoi le Dondolïsme, une nouvelle religion ?

J’hésite entre une pathologie rare, un nouveau courant de pensée et pourquoi pas, oui, une nouvelle religion (qui relèverait plus de la secte d’amateur). Chacun y voit ce qu’il veut finalement.

Comment tu définirais le style Dondolo ?

Mon style n’appartient pas à une école particulière je fais un peu ce que j’ai envie, tout dépend de mon humeur. Globalement j’aime bien les choses un peu bancales, mélodiques, à plusieurs niveaux de lecture, légères et tristes en même temps. Il faut qu’il y ait une émotion forte qui se dégage, un truc psychique et physique. Musicalement j’ai toujours était attiré par la pop. Mes influences musicales se situent dans la pop/rock anglo-saxone, l’electro pop et une certaine frange de la variété française 70’s/80’s. J’aime bien le format chanson et je suis très attaché au fameux couplet/refrain/pont. Après je suis capable d’aimer n’importe quelle chanson du moment qu’elle me fasse vibrer, rire, pleurer, danser.

Il y a peu de songwriters qui composent seuls. Tu te sens un peu comme une sorte de nouveau Christophe ou Prince ?

Aujourd’hui beaucoup de gens travaillent seuls dans leur coin, je ne me sens pas à part de ce coté là. Après je n’ai pas le talent de producteur de Prince, techniquement je suis vite dépassé, je ne suis pas du tout patient, ça ne va jamais assez vite. Ce que je préfère c’est l’étape de la composition et les arrangements. Je fais tout de façon empirique, au feeling, j’ai aucune base donc je souffre trois fois plus. En fait je crois que je ne peux pas dissocier la composition de la production, les deux sont importants pour moi, j’y prend beaucoup de plaisir et j’ai sincèrement beaucoup de mal à déléguer.

Comment te vient l’inspiration d’une chanson ? Et comment tu construis tes morceaux ?

L’inspiration me vient vraiment sans prévenir, si je la cherche ça marche pas. Aprés ça depend beaucoup de l’humeur dans laquelle je suis. Pour les themes et les ambiances ça peut venir de tout un tas de choses: des phrases que j’ai entendues, des mots qui me plaisent, des images que j’ai vu, un paysage, une situation, un film, un fait divers… Souvent je part d’un titre, j’ai une collection de titres assez incroyable toujours en réserve. J’en choisi un selon l’humeur et je construit un truc autour.

Pour les morceaux en eux même je part souvent de la batterie et de la basse, le tempo me dicte un peu le reste, aprés il faut absolument que je trouve une grille d’accord qui me touche au coeur, une fois les accords trouvés, la mélodie/theme et gimmicks harmoniques coulent d’eux même. Ce qui me touche dans un morceau c’est vraiment la progression d’accords. Pour les morceaux plus enervés, il faut que ça aille trés trés vite, je prend dans l’instant.

C’est quoi ce maxi que tu as produit, et souvent joué à l’époque par Ricardo Villalobos ?

C’était Peng, un maxi d’abord sorti une première fois sur un label français Interzone, puis sur le label de Ladytron (invicta hifi).

Entre deux choses louches, tu cites Cybotron (fondé par Juan Atkins et historiquement considéré comme le premier groupe Techno) et Kraftwerk dans tes influences. Ca signifie quoi pour toi ?

Kraftwerk c’est très poétique, bon à l’époque ça devait sonner hi-tech mais je trouve que ça reste très humain, c’est assez simple et naïf dans la forme mais il y a un propos, c’était pas fait dans une optique festive. J’aime la production dépouillée, les super mélodies, très mélancoliques. Quand j’écoute leurs disques, j’ai pleins d’images de routes qui me viennent, de paysages qui défilent, de trajets en voiture, du véhicule cocon ou l’on se sent à l’abris.

Pour Cybotron c’est pareil en un peu moins poétique et un peu plus austère. Leur son prend racine dans leur environnement quotidien, Detroit, j’aime bien cette idée en fait. Je suis touché par leurs musiques parce qu’elle parlait vraiment du futur, parce qu’à l’époque il y avait encore un futur palpable, une vision possible, un repère : l’an 2000 (un changement de millénaire, c’est pas rien). Le bug de l’an 2000 a bien eu lieu je pense, et le résultat aujourd’hui c’est qu’on ne sait plus dater le futur, on ne peut plus se l’approprier, l’imaginer, le rêver, le fantasmer, c’est quand le futur ? 2030 ? 2100 ? Putain ça sonne pas…

Tu as déclaré : “dans ma musique, comme dans le sexe, la rigolade n’a pas sa place”. Tu es pourtant parfois un peu second degrés quand tu utilises des sons cheaps / cheesy, genre sur certaines chansons comme Chanteur à succès ou Let your daddy sleep…

Trés franchement je ne tiens vraiment pas à faire du second degré, et je ne fais pas de la musique pour rire ! J’aime les sons cheap et “cheesy” comme tu dis, ils sont pour moi réellement vecteurs d’émotions . Le hi-tech m’emmerde, les bagnoles, les fringues, les sons…Ma musique est légère, c’est de la pop, mais elle est aussi chargée de plein d’autres choses nettement moins frivoles. Moi je suis un mélancolique joyeux, il vaut mieux pour moi que je prenne les choses un peu par dessus la jambe… Sur Chanteur à succès je voulais faire quelque chose de volontairement suranné et pathétique par ce que ça va avec le thème du morceau, un chanteur de variété française en pleine traversée du désert, qui s’auto-persuade qu’il est encore au top. Et puis le samedi après-midi il va faire des galas dans les zones commerciales pour payer son loyer…

A quand le clip de Question of will en boucle sur MTV ?

Je ne sais pas, ce serait bien, il nous a coûté 110 euros, faudrait qu’on amortisse quand même! Tu connais des gens chez MTV ?

Pourquoi ne retrouve-t-on pas le titre Dragon (sortit sur le label anglais tiny sticks en maxi) sur l’album ?

Je me suis plié aux exigences de mon producteur Renaud (la bulle sonore). Je suis souple et malléable, un vrai chewing-gum… Non, mais en fait il ne s’insérait pas vraiment dans le track-list de l’album qui est très electro-pop. Et puis un peu compliqué pour le deal avec tiny sticks. Par contre on va le jouer en concert, j’ai rajouté quelques parties chantées, ça sonne vraiment pas mal en live, en formation serrée basse/batterie/guitare.

Quand est-ce que tu signes avec une major !

Pour le moment on m’a rien proposé. Pour signer dans une major il faut avoir une “ligne éditorial” claire, être marketable, il faut que les commerciaux puissent trouver un argumentaire de vente simple , des accroches genre : “le renouveaux de la chanson Française”, “le nouvel espoir du rock”, “le nouveau petit génie electro”…
Faut pas brouiller le message. Moi je sais pas ce qu’ils pourraient trouver comme idée pour vendre des disques de dondolo.

Hormis ton indéniable talent, penses-tu que tu aurais eu un impact aussi rapide sans Myspace ? (toi qui étais à une période le plus gros spameur de l’histoire Myspace !).

Myspace est un outil incroyable, hormis le coté fun, ludique, potache (photos débiles, commentaires absurdes) de la chose c’est quand même ce qui manquait aux musiciens modernes. Myspace c’est l’extention du home studio: tu produis ton disque chez toi tout seul comme un grand et désormais tu peux aussi faire ta com’, te créer un réseau, chercher des concerts, tu contrôles presque toute la chaîne… Moi je voulais pas en entendre parler, mais c’est le boss de tiny sticks qui ma branché la dessus, je suis allé voir ce que c’était et comme tout le monde je me suis vite, très vite, pris au jeu. J’ai aussi rencontré des gens, des vrais, en chair et en os. Ca m’a permis aussi de renouer des liens avec des gens que j’avais perdu de vue. Après c’est exactement comme dans la vraie vie, on y rencontre les mêmes connards, le panel est le même, il y a de tout. Ce qui m’amuse bien c’est d’aller pourrir la page des gens qui prennent super soin de la leur.

Quel équipement utilises-tu pour composer ?

J’ai deux ou trois synthés analogiques, une guitare Fender Telecaster, un sampler EMU esi 2000 (je m’en sert de boite à rythmes) un ordinateur avec Cubase, une carte son à 100 euros, un micro. Ma config est ultra cheap, elle n’a pas changé depuis 7 ans, je la connais bien mais je ne peux pas en tirer un son professionnel. J’évite de bosser avec des plug-ins, et j’essaye d’enregistrer le plus de truc possibles en live mais bon comme l’acoustique est pourrie… Actuellement je suis dans une période où j’en ai un peu plein le cul du home studio.

Ta machine ou ton instru préféré ?

J’adore tous les instruments de musiques. Ma guitare Fender Telecaster est ce que j’ai de plus précieux niveau instrument. Sinon j’adore le Solina String ensemble, j’en ai un et je le garderai toute ma vie, c’est un synthé qui date des 70’s, très simple à utiliser, tout en bois, très lourd. Il y a 6 touches et le son me fait pleurer, une sorte d’émulation de cordes avec un chorus ultra cheesy, couplé a un delay ou une bonne reverb c’est le paradis. J’aime aussi les boites à rythmes DMX, sa caisse claire est incroyable.

Dur dur de vivre en tant qu’artiste. Il parait que pour boucler les fins de mois tu fais de temps en temps de la figuration dans Plus belle la vie ?

Je suis intermittent du spectacle et je fais donc le comédien, pas que des figus, des silhouettes et des petits rôles dans des séries nazes, genre “Le Proc”… Ca paye pas mal et c’est plutôt drôle à faire. Tu branles rien de la journée, tu bois du café, tu manges, on t’appelle tu fais ta scène et tu rentres chez toi, no stress, pas a réfléchir. Bon des fois c’est quand même un peu tendu, surtout que j’ai du mal à retenir les textes. Je me vois bien finir en acteur de second rôle.

Dondolo – Dondoloïsme… (la bulle sonore)

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