[Fr] Interview : Ark (Circus Company / Karat / Perlon)

ark

Intègre, anticonformiste et passioné. Trois adjectifs pour essayer de définir Ark, trublion farfelu de la scène minimale française. Il fait le point sur sa carrière, depuis le groupe THC jusqu’à l’aboutissement de son premier album qui risque de faire très mal au printemps prochain. Caliente !

Débranchez les guitares, puis allumez le laptop

J’ai ressenti une démotivation de la scène acoustique en 91, ce qui marque la fin du premier cycle, en tant qu’instrumentiste (bassiste, puis guitariste). C’est un peu l’époque où l’électronique arrive en force en France avec les raves, le développement de moyens de diffusion comme les radios, les magasins de disques… Après, il y a eu un an de flottements où j’ai essayé de refaire des groupes avec des potes, mais cela ne restait qu’au stade de la répétition et rapidement 93 arrive où j’ai commencé à découvrir la tek, l’électronique au sens large, et je me suis tourné vers le coté dur style gabber et les trucs de Rotterdam.

La raison pour laquelle j’ai arrêté la scène acoustique, c’est que je me suis rendu compte que je pouvais travailler seul avec mes machines, sans dépendre d’un projet, ou d’une formation. Ca te libère d’un stand-by avec les groupes qui ne marchent pas. L’électronique ça ma vachement fasciné, l’idée d’avancer seul par rapport à la méthode de travail, de pouvoir arranger, composer seul, créer, avancer, en ayant ta propre touche personnelle. N’ayant jamais été un grand instrumentiste, mais plutôt un mec qui avait le feeling au sein d’un groupe, je ne me sentais pas d’évoluer tout seul en composant chez moi à la guitare.

Ark + Pépé Bradock = Trankilou

J’ai rencontré Bradock en 92 après THC, il venait répéter, c’est un bon guitariste jazz-funk. A l’époque où l’on a démarré notre duo, je bossais chez BPM le magasin de disques et lui chez Crocodisques. On faisait des compos, et BPM était intéressé par nos prods. Il s’est très vite décidé de faire un disque, on a tout de suite trouvé un nom, c’était Trankilou.

On se retrouvait le soir à 19, 20 heures, on composait jusqu’à 6 heures du mat’ pour repartir à 10 heures bosser, ça faisait des petites nuits et ça a duré longtemps ; mine de rien pendant l’année Trankilou c’était un rythme assez intense. L’aventure a continué comme ça pendant un an et demi et 2 disques. L’idée c’était de faire un album, mais on était dans un moment de turbulence, où l’ on s’est retrouvé attaché au mouvement French Touch, qui a très vite pris une tournure qui ne ressemblait pas à la dynamique de Trankilou. La scène French Touch commençait déjà à tourner au vinaigre, c’était en plein boom sans en être encore à son apogée, un truc dans lequel on ne rentrait pas du tout. Il y avait deja l’explosion Bob Sinclar, ça commençait à cartonner à la télé, des clips où tu reprends Bob Marley et tout et n’importe quoi avec un beat house : bref, on savait que pendant 3, 4 ans ça allait ratisser, et ni moi ni Bradock ne voulions mettre le doigt dedans. On sentait qu’on avait un pur potentiel avec Trankilou, on se disait que c’était un peu dommage d’arrêter ce truc qui avait une pure dynamique, qui avait été super bien reçu aussi. Mais à ce moment là on était aussi un peu en friction tout les 2. On s’opposait un peu dans la façon de vivre, j’étais bien dans l’esprit rave, et lui était plutôt un mec stable, donc ça fonctionnait pour certains trucs comme la création, avec une espèce d’apport des deux personnalités, mais ça marchait pas forcément sur l’idée d’avancer.

Je pense qu’on en garde tout les deux des bons souvenir, peut-être aussi des mauvais, mais c’était aussi une question de période, de moments où tu évolues, tu t’investis peut-être dans des choses qui sont difficiles à gérer avec le reste. C’est vrai que maintenant on est plus posé, enfin moi aujourd’hui j’ai mis de l’eau dans mon vin. Mais je serai très content d’imaginer que dans 5, 10 ans on refasse un truc ensemble parce que c’est le bon moment…

Autour d’Herbert

J’ai commencé à connaître artistiquement Herbert à l’époque de Trankilou, mais ça a été le choc quand est sorti arround the house qui a été une influence énorme. Quand j’ai écouté cet album, ça m’a vachement touché, la façon de travailler, le rendu, le fait de rester dans cet univers de bricolage, de ” minimal house ” avec ce coté jazz moderne et d’être quand même dans l’harmonie, la composition. Tout me ravissait dans la conception de ce disque et ça a été un tournant assez important avec un ou deux autres, notamment Super Collider. D’ailleurs, depuis que je commence à situer les gens qui m’ont influencé et que j’apprécie dans la scène électronique, il s’est avèré que ce sont tous devenu soit des amis, soit des relations, soit des gens avec qui j’ai collaboré, donc à ce niveau la je suis vraiment épanoui : Super Collider, Losoul, Isolée, Akufen, Herbert, toutes ces personnes qui, pour moi ont des places importantes dans cette scène, c’est maintenant des gens que je connais, et avec qui éventuellement je travaille, donc je pense que ça c’est parfait. Herbert m’a playlisté deux fois un mois dans un magazine francais et anglais pendant qu’arround the house sortait. J’’étais fan, j’ y ai donc été au culot : je l’ai contacté pour savoir si il voulais me faire un remix. Il m’a répondu et m’a dit ok. Et Le Magicien d’Os est sortit.

Les déboires du Magicien d’0s

Depuis 2001 Le Magicien d’Os ne s’est vendu qu’à 6000 exemplaires : grande déception, je pensais vendre 10 fois plus de disques. A ce moment précis, Herbert et Oizo (l’autre remix du maxi) était en pleine explosion (human traffic et flat beat). C’était un “produit” alléchant, mais médiatiquement parlant qui est passé complètement inaperçu. Mais pas au niveau de la reconnaissance et encore une fois je commence à en être un peu fatigué d’ être reconnu et de ne pas vendre : ça a été le cas avec l’album de Shalark, mais avec ce maxi c’était flagrant. Je tourne beaucoup, particulièrement depuis 2 ans, et systématiquement à n’importe quel endroit de la planète où je vais, les dj, les boites, les clubbers connaissent ce morceau, donc il a vraiment eu un impact, mais c’est au niveau des ventes que ça a flanché, sinon il a eu le succès d’estime qu’il devait avoir : c’est un hit. Ca aurait été injuste qu’il ne soit pas reconnu. Là, je le ressors sur mon album, donc ça va lui donner une seconde vie.

Projections sur une Katapult

Quand Alex et Laetitia sont arrivés à Paris, je les ai rencontrés tout de suite au magasin. On avait un pote en commun et il m’a donné l’adresse, je suis donc passé les voir et ça a tout de suite collé entre nous. A cette époque là il y avait une bonne effervescence. Cela faisait 6 mois que leur magasin était ouvert à Parmentier, et moi j’habitais tout près quand ils m’ont proposés d’installer mon studio dans leur cave : j’ ai accepté et je suis resté quelques mois. Le problème c’est que l’endroit était complètement malsain et humide, et j’ai flingué toutes mes machines là bas ; bon depuis elles sont revenues de leur grippe même s’il subsiste encore quelques séquelles (rires). On est resté en très bon contact, et j’ai surtout commencé à sortir 7,8 disques sur leur label Karat. Il est d’ailleurs prévu que l’on ressorte les 2 Unknown Mysterioso en cd plus des inédits. Ca referait un peu le même concept qu’ avec le Keuhar : une façon de réactualiser et de donner un format plus accessible aux gens pour lui donner une nouvelle vie. Depuis un an j’étais focalisé sur mon album, tout c’est enchaîné : il y a eu Shalark, puis rapidement Alleluyark et mon album. Je rentre dans une période où je vais peut être prendre le temps de finaliser ces trucs qui traînent depuis un bout de temps.

Les collaborations de l’Alleluyark

Elles étaient déjà toutes faites. Losoul, Isolée, Akufen, Zip, le patron de Perlon, et Nôze, les mecs de Circus, je les connaissais tous, donc il n’y a pas eu a faire de rencontre. D’ailleurs pour la moitié des remix ce sont des échanges, ce qui permettait d’amoindrir le coup. Pour l’anecdote, Akufen me l’a agréablement offert car il n’avait pas besoin d’argent : c’était l’époque où il venait juste de signer le remix de Massive Attack (Special Cases).

L’album Caliente

Le premier album c’est un peu l’aboutissement de tout ce travail après Trankilou, depuis Sidérurgie Esthétik en passant par Shalark, Alleluyark… Il y a vraiment un son, j’en suis super content, et techniquement parlant c’est la finalité d’une époque. J’espère encore évoluer, et j’attend de voir la réaction des gens. Il y aura des featuring de Xanax le chanteur du Magicien d’Os, Agoria avec qui le feeling passe super bien et Jamie Lidell un des deux mecs de Super Collider (duo avec Christian Vogel) que j’avais rencontré lors d’une tournée en Australie. Un petit génie vraiment bourré de talent, qui a d’ailleurs signé un remix sur Karat. Enfin, c’est Popay qui réalise la pochette, comme il avait fait pour le Keuhar. J’ai vraiment hâte de voir ce que je vais commencer à entreprendre pour le prochain, avec encore plus de collaborations notamment.

Now listen to this

Dans ses projets, Ark prépare une tournée dj et compte réactualiser son live. Des maxis devraient sortir pour annoncer l’album, accompagnés de remix. Enfin, il doit signer un maxi pour le label d’Herbert, Soundslike. En attendant, checkez lAlleluyark 4 avec sa pochette terrible représentant la course poursuite d’Ark par une horde de voitures de police, le tout version Playmobile (!)…

3 thoughts on “[Fr] Interview : Ark (Circus Company / Karat / Perlon)

  1. Mon dieu mais c’est l’interview la plus ancienne du magazine ! Passionnante, cela va sans dire :)

    Juste pour donner de petites nouvelles de Ark :
    MySpace : http://www.myspace.com/fantompatron
    DiscogrArkphy : http://www.discogs.com/artist/Ark
    FacebookFanPage : http://www.new.facebook.com/pages/ARK-aka-Guillaume-Berroyer/28111029793?ref=mf

    Bon, Pierre-Nicolas, il faudra penser à reprendre contact avec le bonhomme, histoire de nous up-dater sur ses news :))))

    Merci pour cette belle interview anyway ! :))))

  2. Et oui c’est la première interview que j’ai réalisé pour Boing Poum Tchak! fin 2004, chez lui à Bagnolet.

    Des fois je pense à lui, je me demande ce qu’il devient, s’il a fini par adopter un job “de monsieur tout le monde” et lequel…

    Son site internet est coulé depuis des années, je ne pense pas qu’il veuille vraiment qu’on le dérange en ce moment. Il continue ces petites collaborations sur Karat et ça me va.

    Mais dis moi Djamilla, tu as l’air d’être une véritable fan ! Je me trompe ? :-)